Le rêve de bébé chouette

Une nuit comme les autres, dans une petite forêt sur la planète Terre, un groupe de jeunes enfants composé d’éléphants et de chouettes vient trouver un vieux singe au pelage rose et blanc assis sous un arbre, jouant de la guitare. « Francis, » demande un des enfants éléphants en s'adressant au singe, « bébé chouette essaye de nous dire quelque chose mais on ne comprend pas… » Francis remarque posé sur la tête de l’éléphant un minuscule bébé chouette, qui s’agite et montre avec insistance la lune dont le clair illumine la clairière . Francis regarde les enfants et dit : « C’est très clair, qu’est-ce que vous ne comprenez pas ? »

Les enfants se regardent, perplexes. Francis sourit avec malice et ajoute : « Bébé Chouette dit qu'il veut aller sur la lune ! »

Bébé Chouette se met à sautiller et à trépigner de joie.

Un gros éléphant bleu prend la parole d’un ton provocateur : « Ouais bah, même pour une chouette, moi je dis que c’est impossible ! »

Bébé Chouette fronce les sourcils, puis montre les tout petits muscles de son aile duveteuse tout en hochant vigoureusement la tête. Puis, il se tourne vers Francis, les yeux interrogatifs.

« Es-tu si sûr de toi ? » répond Francis au gros éléphant bleu. « Selon toi il n'est pas possible aux chouettes d’aller sur la lune ? »

« Même pas en rêve ! » assure le gros éléphant. « La distance Terre-Lune, c’est neuf fois le tour de la Terre. Alors sur une distance comme ça, moi les chouettes, je les attends ! »

Bébé Chouette fronce les sourcils, affiche un air pensif et contrarié… Il regarde l’éléphant bleu puis bat des ailes en secouant la tête négativement.

« Qui a parlé d’aller sur la lune à dos de chouette ? demande Francis, non il faudra construire un vaisseau spatial. » Bébé chouette dresse une plume et d’un mouvement d’aile la fait lentement monter vers le ciel en faisant « shuuuuu ».

« Ouais, mais alors pas besoin d’être une chouette pour embarquer dans le vaisseau spatial ! » rétorque le gros éléphant. Bébé Chouette regarde l’éléphant de haut en bas avec des yeux inquiets.

« Pour un éléphant il faudra peut-être un vaisseau un peu plus gros… » remarque Francis avec un sourire narquois « Mais si la nature le permet, alors c’est possible et le savoir nécessaire pour y parvenir existe. » Bébé Chouette se remet à sautiller de joie.

« Attention, » alerte Francis, « le vaisseau ne va pas se construire tout seul, il va falloir bien travailler à l’école et savoir travailler en groupe pour construire le vaisseau. » En un éclair, Bébé Chouette revient avec son cartable.

« Mais Bébé Chouette », demande l’un des petits singes, curieux, « pourquoi aller sur la lune, au juste ? »

Bébé Chouette sort alors une paire de lunettes de soleil de son cartable et forme un V avec les plumes de sa main.

« Déjà, c’est franchement la classe vous ne trouvez pas ? » répond Francis en faisant un clin d’œil à bébé chouette, « ensuite c’est surtout qu’il faut voir plus loin. Aller sur la lune ça ne sera qu’une étape dans la conquête de l’univers. A mon avis on n’a pas le choix pour deux raisons. D’une part pour notre bien-être, si on veut continuer à créer et à se reproduire on a besoin de place et de ressources. On ne peut pas continuer à peupler la planète indéfiniment ou on risque de faire de grosses bêtises, du genre dérégler le climat, ou se retrouver tellement nombreux qu’il faudra massacrer tout l’environnement naturel. Si on veut préserver la diversité biologique sans arrêter le progrès, il faudra se tourner vers l’espace ! » Bébé chouette fanfaronne avec ses lunettes de soleil.

« C’est quoi la deuxième raison ? » demande un maigre éléphant vert, l'air un peu inquiet.

« Il y a très longtemps sur la Terre vivaient d’immenses dragons, avant qu’un astéroïde, d’environ 10 km de diamètre ne percute la planète avec une énergie incroyable. Le cataclysme extermina presque toutes les formes de vie, à l’exception de quelques survivants dont nous descendons. D’ailleurs, les chouettes en sont les descendants directs, puisque tous les oiseaux descendent des quelques dragons qui survécurent pour un temps... contrairement à nous les singes et les éléphants qui sommes des mammifères. » Un silence s’installe parmi les enfants et Bébé Chouette montre de nouveau la lune avec insistance.

« En effet », reprend Francis. « Aujourd’hui, si un nouvel astéroïde menace de nous percuter, il n’y aurait rien que nous puissions faire et nous risquerions de connaître le même sort que les dragons. C’est pour ça qu’il faut favoriser la conquête spatiale. Non seulement, si nous sommes installés sur la lune et d’autres planètes, nous risquons moins de disparaître, mais en plus, avec nos vaisseaux spatiaux, nous pourrions tenter de dévier la trajectoire de ce genre de menace et sauver la vie sur Terre, au moins pour un temps. »

Bébé Chouette fait un clin d’œil à Francis.

« Comment sais-tu tout ça, Francis ? » demande une petite chouette orange, intriguée.

« Longtemps après l’ère des dragons, une espèce de singe appelée les humains a colonisé la planète avant de disparaître à son tour. Les humains, contrairement aux autres animaux ayant vécu avant eux sur Terre, étaient capables d’expliquer les phénomènes naturels. Ils avaient compris comment créer le savoir. En se montrant toujours curieux, en acceptant de n’être jamais être sûr de rien. En réalité on se trompe tout le temps, il y a toujours quelque chose à améliorer dans ce qu’on croit savoir. On devine, on se trompe, on corrige, on recommence. Ainsi les humains ont découvert des théories permettant d’expliquer certains comportements de la vie, de la matière et de l’énergie. Grâce à ces théories, qu'ils appelaient "la trame du réel" ils ont développé leur technologie et sont parvenus à marcher sur la lune..... »

Tout fier, Bébé Chouette sort de son cartable les plans de la fusée Saturn V.

« On le sait parce qu’ils nous ont transmis leur savoir dans des livres et des machines que nous avons retrouvés et étudiés. »

Un silence pensif s'installe parmi les enfants. Puis une petite chouette rose demande : « Mais alors, Francis, si les humains étaient si malins, comment ont-ils disparu ? »

D’un air grave, Francis baisse les yeux et murmure tristement : « Ils se sont entretués... ils ont construit des bombes ultra-puissantes et ont ravagé leur civilisation jusqu’à l’extinction. » De nouveau un silence tombe sur le groupe.

Le gros éléphant bleu, cherchant à détendre l’atmosphère s’exclama : « Wow ! Il ne fallait vraiment pas plaisanter avec les humains... »

« Tu sais, éléphant bleu », réagit amèrement Francis, « l’histoire des humains, c’est notre histoire. D’une certaine façon, nous sommes dans la même équipe, alors il ne faut pas trop fanfaronner. »

« Mais pourquoi ont-ils fait ça ? » demande la chouette orange, perplexe.

« On ignore les détails du conflit qui a mené à leur extinction, mais au cours de leur histoire ils n'ont jamais cessé de former plein d’équipes qui se détestaient. »

Le gros éléphant bleu commente : « À partir du moment où tu donnes des commandes pour tout faire sauter à plusieurs bandes de singes qui se disputent, comment veux-tu que cela finisse bien ? »

« Nous aussi on se dispute parfois, il ne risque pas de nous arriver la même chose ? » demande la chouette orange, inquiète.

Bébé chouette fait oui de la tête.

« Bien sûr que si », répond Francis, « mais nous on va essayer de ne pas commettre les mêmes erreurs. Avec tous les animaux, toutes les plantes, toute la vie sur Terre, tous ensemble on forme une seule équipe. On est tous programmés pour survivre et s’aimer les uns les autres, c’est juste qu’il faut résoudre les problèmes sans violence. Enfin ce n’est que mon avis… Mais bon comme le progrès confère le pouvoir de se détruire les uns les autres, il faut bien essayer autre chose.”

« Mais ça n’est peut-être pas justement le progrès le problème ? » demande la chouette orange.

Bébé chouette hoche la tête entre oui et non.

« Le risque que le savoir se retourne contre nous existera toujours, mais grâce aux humains, on connaît mieux les pièges à éviter… » les yeux de Francis s’assombrissent « Ce n’est que mon avis, mais moi, je pense que l’univers n’a ni conscience ni morale ; je pense que le vent n’a pas de pensée, que la mer ne décide pas où s’écrasent les vagues et qu’un jour, un souffle nous emportera, ou une vague nous submergera pour toujours… Je refuse de laisser notre équipe s’éteindre sans rien faire. Et seul le savoir nous sauvera. »


« Let’s go and see the stars
The Milky Way or even Mars
Where it could just be ours
Let’s fade into the sun
Let your spirit fly
Where we are one
Just for a little fun
I want to get away
I want to fly away »
— Fly Away (Song by Lenny Kravitz)
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Bayushi Iwamori